vendredi 4 juillet 2008

Roger passait l'aspirateur dans sa demeure. Les couloirs, les chambres, le salon, rien ne résistait à l'avale-tout, même les éclats de yaourt durcis à côté de la poubelle. Ne nécessitait seulement que le passage dans la salle de bain pour achever le Tour de la Maison.
Les gonds couinent, la machine apparaît dans l'embrasure avec sa bouche aspirante et gourmande, l'interrupteur clape et les filaments deviennent incandescents. Roger scrute le carrelage blanc et luisant, détecte quelques-uns de ses cheveux qui ont chus de son crâne, n'éprouve aucune pitié.
Soudain, une araignée qui a tissé sa toile entre un flacon de javel et un chiffon à l'abandon, brandit deux pattes en avant, dans une tentative désespérée d'intercession. Intrigué, Roger stoppe la machine hurlante.
- Merci, être humain ! piaille la petite bête.
- Vous parlez, en plus ? s'écrie Roger.
- Attendez, attendez ! L'araignée se positionne sur ses quatre pattes arrières.
- Oui, j'attends que vous partiez de la maison, parce que vous êtes répugnant et bizarre, et tout ce qui est répugnant et bizarre, je l'écrase ! Surtout un insecte !
- (Je ne suis pas un insecte !) Un instant, oui ! Je vous explique d'abord quelque chose - ce sera très rapide - ensuite je m'en vais.
- D'accord. Je vous écoute, consent Roger.
- Ma famille et moi-même mangeons les moustiques qui vrombissent devant vos canaux auditifs, la nuit...
- Pour ça, vous n'êtes pas très efficaces... Une minute, vous avez dit famille ?
- C'est une façon de parler... Et les moustiques qui vous perturbent sont les rares qui ont feinté nos toiles... Tous les insectes volants et beaucoup de rampants représentent nos proies, notre survie, vos préoccupations. Si vous nous exterminez, qui nous remplacera ?
- Les oiseaux. Plus mignons que vous, aucun doute là-dessus ! rétorque distraitement Roger.
- Les oiseaux se mangent aussi les uns les autres... Nous souhaitons un peu plus de clémence à notre égard ; en contrepartie nous nous ferons plus discrètes et efficaces.
- Ça va, merci. Filez, maintenant, grogne le mammifère. Et sourit de son jeu de mots involontaire.
- Au nom des miens, je vous remercie.
L'araignée effectue une courbette, et de ses huit pattes prend le chemin de l'aération du plafond. A terre, Roger appuie sur le bouton. L'engin reprend vie, qui tire sur son câble électrique. Le tuyau pris en pogne, l'homme lève les yeux sur le mur et aperçoit un point noir, mobile par huit tiges articulées.
Dans le vacarme d'un aspirateur, accru par l'exiguïté de la pièce, personne ne vous entend crier.

1 commentaire:

Yohann a dit…

Ce n'est en aucun cas du vécu, comme me le faisait remarquer deux gusses dont je tairais l'identité (K et S). Et encore moins les débris moisis de yaourt.
Mais j'aurais beau pourfendre ces avis, je sais que tout sera contre moi ! Oui, tout ! :'o(

Oui, ce journal électronique recèle de textes qui sont malgré tout ma propriété. Si vous souhaitez en utiliser un, contactez-moi grâce à l'adresse suivante : sacred.fire.blogspot@gmail.com
Merci !
Yohann ©®™☺☼♥♫≈(2003-2009)