dimanche 25 novembre 2007

V – L'élixir

Pendant cette observation, elle fit un tour sur elle-même, ne se rendant pas tout de suite compte du jeu de ses pieds pour garder son équilibre. La surprise de découvrir cela lui étira les lèvres en un charmant sourire, et ce n'est qu'après avoir effectué un tour du tronc de l'arbre, tenu dans le rôle de tuteur, qu'elle se risqua à rester debout par ses propres jambes. Les petits tremblements s'estompèrent à mesure que la confiance grandît.

La première idée qui lui vint fut d'aller voir le ruisseau. Prenant un air déterminé, elle s'engagea sur la légère pente. Deux fois, alors qu'elle sentait défaillir ses membres, elle prit la peine de s'asseoir pour récupérer. Il fallait prendre son mal en patience, car Gaya y parviendrait, elle en était persuadée.

Enfin, elle fut au bord du ruisseau. Gaya le regarda sur toute la longueur qui lui était offerte. Le bruit de l'eau était sensiblement plus fort ici qu'à côté de l'arbre. Elle plia ses jambes sous son postérieur et, la tête au ras du sol, s'approcha de l'eau.

La jeune personne reste fascinée par les mouvements gracieux et infinis du liquide roulant sur les cailloux. L'eau, si simple, est une effervescence endormie. Gaya parvient alors à discerner la puissance considérable dissimulée par cet élément d'aspect faussement tranquille.

Elle plonge une main timide dans un remous, main qu'elle retire aussitôt. Une forte impression ainsi qu'un respect se lisent aisément sur son visage juvénile, bouche entrouverte par le choc. Un frisson la parcoure, non pas d'effroi, mais de compréhension. Cette force... Gaya perçoit qu'à travers son geste elle a atteint un palier, on lui a adressé un message : cette caresse douce et fraîche, c'était l'haleine de la vie !

Sans hésitation, elle joint ses mains en coupe et les replonge dans le ruisseau. Après s'être enivré un instant de ce nouveau contact aquatique, elle les retire, toutes dégoulinantes, et les yeux fermés, elle en approche ses lèvres et boit.

La sensation est complètement différente de celles connues à son réveil (celles-ci étant reléguées en arrière-plan de sa mémoire, mais toujours bien présentes). Le filet délicieusement frais s'abîme dans son organisme. Elle continue à boire lentement, sentant des zones internes vibrer puis un engourdissement relatif l'envahir. Elle ne fait pas attention aux deux gouttes qui glissent sur son menton et sa gorge. Une fois rassasiée, elle se rassit, ses mains humides posées entre ses cuisses.

Les yeux dans le vague, Gaya a une profonde inspiration.

Respirer et boire sont des mouvements essentiels à la vie.


(Suite : le 9 décembre)

vendredi 9 novembre 2007

IV – La place de chacun

Elle remplit ses poumons d'air. Expire le plus longtemps possible. Son odorat est déjà saturé des fragrances environnantes.

Elle observe alors patiemment ce qui l'entoure : le soleil est haut, le ciel est bleu, les nuages moutonneux roulent paresseusement ; l'horizon (un tour sur elle-même) se dessine une courbe ; sur l'étendue herbeuse devant elle, les plantes se balancent doucement au gré du souffle ; les insectes bourdonnent, stridulent, grignotent, tandis que les oiseaux planent, chantent, picorent ; le ruisseau glougloute silencieusement en contrebas et l'arbre grince en basse profonde ; elle, son cœur tambourine de manière onctueuse.

Sans justification, Gaya sait qu'elle n'est pas une intruse, qu'elle fait partie intégrante du système. C'est alors qu'une question lui vient en tête, que l'on pourrait formuler ainsi :

« Quel est le lien qui assemble tout ceci ? »

Elle a ressenti une harmonie entre tout ce qu'elle a pu apercevoir, que ce fut animé ou non. Il y existe une cohésion, un joint unique. Il est unique car il est le même entre tout ; toutes les interactions, conscientes ou non, instinctives ou non, se font par son biais. Néanmoins, chacun de ces liens, aussi petits ou grands soient-ils, s'élaborent en totale indifférence. Quelle que soit la tournure, l'assemblage sera parfait.

Le plus troublant, c'est que Gaya a la sensation que cet état de fait n'est pas fortuit.

Est-ce que cela se voit ? Cela se sent-il donc ? Ce ciment est-il palpable ?

Quelque chose m'aurait-il échappé ?

Un soupçon d'inquiétude apparaît soudain : ne saurait-elle pas tout ? Elle reste statufiée quelques instants, avant de se reprendre petit à petit, se rassurant son omniscience.

Le germe du doute n'en est pas moins planté.

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