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L.-M. H.
La question posée par le désormais fameux jugement du tribunal de Lille est sans doute plus sérieuse que le débat qui a fait, depuis une semaine, la fortune des zincs et des plaisanteries égrillardes sur la virginité, qualité « essentielle » ou accessoire d'une jeune épousée. Le juge procède en deux temps. Primo, le mariage peut être annulé s'il y a eu erreur ou tromperie sur une « qualité essentielle » d'un des époux. Jusqu'ici, tout va bien : c'est ce que dit l'article 180 du Code civil. Et on peut concevoir que la dissimulation d'une impuissance ou d'un grave trouble mental puisse être considérée comme une tromperie sur une « qualité essentielle ».
Deuzio, la juge observe que le mensonge relatif à la virginité de la jeune femme est avéré, puisque reconnu par les deux époux. La virginité serait-elle donc une « qualité essentielle » ? Contrairement à ce qui a été expliqué et écrit un peu partout, le jugement ne le dit pas. Il dit simplement que cette qualité a été « perçue » comme essentielle et « déterminante » par le mari, et aussi finalement par la femme, qui s'est ralliée à cette position. En d'autres termes, la virginité n'est pas du tout élevée par ce jugement au rang et à la dignité de « qualité essentielle » d'une candidate au mariage. Mais c'est la perception qu'en avaient les époux qui justifie l'annulation.
« Perception » ? Il s'agit à l'évidence de croyance ou de tradition religieuse. Les époux étaient musulmans. Et les familles attendaient, avec cet épouvantable rite du drap taché, la présentation d'une preuve de la virginité de l'épouse. Le scandale et la demande d'annulation sont venues de l'humiliante impossibilité dans laquelle le mari s'est trouvé, au soir des noces, de présenter le trophée. Ce fut là sa « perception ».
Est-ce à dire qu'une autre perception pouvait justifier une autre décision du tribunal ? Il y aurait une interprétation du Code civil à l'usage des musulmans, une autre pour les Juifs, une autre encore pour les chrétiens. Encore faudrait-il affiner selon les chapelles, tendances et sous-tendances, traditionnelles, libérales, intégristes. Le tribunal déboutera-t-il le libertin qui aurait l'effronterie de prétendre que la virginité a pour lui quelque prix, tandis qu'il donnerait raison au barbu enturbanné venu présenter la même demande ?
Les juges de Lille ont inventé la justice à géométrie religieuse variable. Chacun peut y apporter ses préjugés, ses croyances, ses fantasmes. Quelque jour prochain, un bouddhiste viendra demander l'annulation de ses noces parce que la promise a, volontairement, écrasé une mouche. Ou un Juif parce qu'elle a allumé l'électricité un samedi. Ou encore un mari qui découvrira que son épouse est sarkozyste, ou qu'elle n'aime pas le foot.
Et si les tribunaux, de Lille et d'ailleurs, s'en tenaient aux « qualités essentielles » de Marianne, même si la vertu de notre République a parfois été bien malmenée par l'histoire ?
Deuzio, la juge observe que le mensonge relatif à la virginité de la jeune femme est avéré, puisque reconnu par les deux époux. La virginité serait-elle donc une « qualité essentielle » ? Contrairement à ce qui a été expliqué et écrit un peu partout, le jugement ne le dit pas. Il dit simplement que cette qualité a été « perçue » comme essentielle et « déterminante » par le mari, et aussi finalement par la femme, qui s'est ralliée à cette position. En d'autres termes, la virginité n'est pas du tout élevée par ce jugement au rang et à la dignité de « qualité essentielle » d'une candidate au mariage. Mais c'est la perception qu'en avaient les époux qui justifie l'annulation.
« Perception » ? Il s'agit à l'évidence de croyance ou de tradition religieuse. Les époux étaient musulmans. Et les familles attendaient, avec cet épouvantable rite du drap taché, la présentation d'une preuve de la virginité de l'épouse. Le scandale et la demande d'annulation sont venues de l'humiliante impossibilité dans laquelle le mari s'est trouvé, au soir des noces, de présenter le trophée. Ce fut là sa « perception ».
Est-ce à dire qu'une autre perception pouvait justifier une autre décision du tribunal ? Il y aurait une interprétation du Code civil à l'usage des musulmans, une autre pour les Juifs, une autre encore pour les chrétiens. Encore faudrait-il affiner selon les chapelles, tendances et sous-tendances, traditionnelles, libérales, intégristes. Le tribunal déboutera-t-il le libertin qui aurait l'effronterie de prétendre que la virginité a pour lui quelque prix, tandis qu'il donnerait raison au barbu enturbanné venu présenter la même demande ?
Les juges de Lille ont inventé la justice à géométrie religieuse variable. Chacun peut y apporter ses préjugés, ses croyances, ses fantasmes. Quelque jour prochain, un bouddhiste viendra demander l'annulation de ses noces parce que la promise a, volontairement, écrasé une mouche. Ou un Juif parce qu'elle a allumé l'électricité un samedi. Ou encore un mari qui découvrira que son épouse est sarkozyste, ou qu'elle n'aime pas le foot.
Et si les tribunaux, de Lille et d'ailleurs, s'en tenaient aux « qualités essentielles » de Marianne, même si la vertu de notre République a parfois été bien malmenée par l'histoire ?
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