jeudi 21 juillet 2005

Rencontre avec un chat.
Je passe par mon jardin de derrière pour m’éviter de faire un détour et de croiser la route d’un bonzhomme taillant sauvagement une pauvre plante au taille-haies. « Assassin de pseudo-jardinier-paysagiste de mes… » En maugréant contre le bruyant énergumène, je manque une fois de plus de me tordre une cheville car la pente est raide et traîtresse (comme toute descente aux enfers) et il faut prendre garde où l’on met les pieds.
Lorsque j’atterris en bas, je constate que la municipalité pluguesque n’a pas tondu la pelouse du terrain vague depuis un bout de temps : il est couvert de hautes herbes et surtout de fleurs blanches. Je n’y connais rien en botanique, à mon grand regret, je suis juste bon à distinguer une marguerite d’un hortensia. Ce sont ces fleurs qui ont leurs graines (ce que je présume être des graines) en forme de parachute, et quand on leur souffle dedans ça explose en un feu d’artifice tout blanc, s’éparpillant au vent. Vous devez peut-être voir ce que j’essaie de vous dire. J’imagine que si une forte bourrasque s’était levée, j’en aurais été recouvert de la tête aux pieds !
Je marche vers le haut du terrain vague. Cet espace vert surplombant l’école publique est surnommé « terrain vague » non pas parce qu’il est couvert de détritus et mal entretenu (quoique dans le cas présent les hautes herbes n’embellissent pas son aspect) mais simplement à cause de ses bosses, qui rappellent les formes cambrées de la mer.

A l’ombre d’un pommier se rafraîchit un chat. Ce félin-là m’a déjà repéré avant que je ne l’aperçoive : il me scrute attentivement du regard, aux aguets complets. Au moindre mouvement brusque de ma part je sais qu’il filera. Je m’installe à moins de cinq mètres de lui, et j’en profite pour l’examiner. Il se détend peu à peu, voyant que je ne m’approche pas pour l’importuner.
Du museau à la queue, ce chat est un splendide dégradé au naturel : couleur claire de crème anglaise sur la tête jusqu’à un beige-chocolat au lait au niveau du bassin et des pattes arrières, la queue étant d’un gris charbonneux. L’animal se marie admirablement bien avec les teintes blanches des fleurs-à-parachutes et les teintes brunes des herbes qui se dessèchent au soleil. Je pense que Monet aurait pu en tirer un tableau, intitulé « Impression, chat se reposant ».
Je continue à l’observer malgré moi, sous un châtaignier, assailli par les insectes et les araignées, assis dans l’herbe recouverte d’éparses feuilles mortes et de chatons. Leur homonyme adulte me regarde, les yeux mi-clos, affalé de tout son long ; seulement la tête dédaigne-t-il soulever pour se tenir un peu au courant de mes gestes. Lorsque je tente de le siffler, celui-ci cligne des paupières en tournant paresseusement la tête afin de m’ignorer, à leur manière royale.
« Petit snobinard »
Le temps s’écoule lentement. Une pie jacasse au-dessus de moi et ce son rauque parasite mes fugaces idées. Les rayons solaires frappant ma page m’éblouissent, preuve s’il en est besoin que notre cher astre lumineux poursuit son inexorable course vers l’Ouest. Un papillon blanc file tout près dans le champ de vision du chat, et je le vois suivre avec intérêt le vol confus de ce bout de papier animé. Sûrement trop paisible dans sa position, le chat le regarde s’envoler au ciel et se confondre avec les nuages moutonneux.
Au loin devant moi je remarque un lampadaire, le seul qui me soit visible, et entouré d’arbres. On se croirait dans une aventure de C.S. Lewis. Sauf que le Aslan qui m’est assigné manque quelque peu de carrure… De par son envergure, on pencherait pour un lion miniature qui aurait oublié de faire pousser une fourrure à son encolure.
Le chat se lève, tout à coup. A-t-il perçu ma grossière comparaison avec son cousin le grand fauve ? Me punit-il de son départ pour l’avoir offusqué ? Je ne sais. Il s’étire délicatement, baille à s’en décrocher les mâchoires et se met tranquillement en route. Je le vois passer entre les fleurs et les herbes, chat maigrelet entouré de graminées. J’avais supposé juste : le matou se confond étonnamment bien dans la végétation du terrain. Frôlant les fleurs, il laisse dans son sillage une quantité de graines-parachutes, telle une comète dans le champ des étoiles.
S’arrêtant un instant pour humer quelque chose, le chat bondit soudain et court jusqu’à l’autre bout du terrain, disparaissant ainsi de ma vue.

Juste à côté de l’endroit où le félidé somnolait, un vent souffle, faisant tournoyer nombre de parachutes, et rendant visible les courants d’air de la petite tornade. Me voilà seul, à gribouiller ma feuille.
Pourquoi ai-je la sensation de sentir poindre l’automne ?

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