samedi 25 juillet 2009

Ne laisse personne te castrer #7

Le dimanche de la troisième semaine de novembre, Morgan et sa mère tinrent un stand de trois mètres à l'occasion des puces de Quimper, qui se déroulèrent au Pavillon, à Penvillers. Ils obtinrent gain de cause lorsqu'ils demandèrent à avoir une place pas trop éloignée de l'entrée principale, par décence pour Morgan.
Ce dont les organisateurs ne pouvaient se douter, c'est que ce jeune homme s'adonnait à la musculation régulière de l'ensemble de son corps, et, façon de parler, pouvait gambader des heures avant de se fatiguer. Il n'avait jamais ressenti quoi que ce soit en provenance de ses membres postérieurs, il n'avait pas cette présence fantôme que percevait parfois des individus amputés d'une partie de leur corps, mais apprendre à marcher lui avait été interdit, et l'on s'interroge précocement sur soi et son intégrité physique lorsque l'on se compare au reste de la population. Il y a cinq ans, Morgan s'était résolu à ne pas s'apitoyer sur lui-même, en portant un nouveau regard sur ce contenant dont il était échu. Faisons d'abord avec ce qu'on a.
Un scrupule à le demander, cet emplacement bien orienté ? Non.
Nous sommes des êtres humains. Qu'est-ce qui nous différencie de l'humanité valide, si ce n'est cette enveloppe un brin concassée ? Cet emplacement n'est pas un privilège.

Nombre d'affaires mis en vente étaient des livres relativement bien conservés ; comme on a pu le montrer au-dessus, cet objet a tenu et tient un espace à part dans l'éducation familiale. La volonté de s'en séparer tenait dans le fait que les goûts évoluent. Ç'a été un choix difficile pour certains ouvrages, cependant Morgan se disait que des anthologies, des collections ou des œuvres complètes offraient un plus large panel de plaisir, de même que par exemple, au lieu d'acheter pleins de poche de Joseph Conrad, il prendrait les œuvres complètes. Plus économique en encombrement sur l'étagère, plus érudit également, peut-être pas moins cher...
Il est triste d'en venir à l'achat ; ce n'est pas la peine d'essayer de prendre en prêt à la bibliothèque, quelqu'un vous aura précédé. Les études sont d'un ruineux...
Morgan emportait vaille que vaille deux cartons à la fois sur ses genoux, sa mère les sacs plastiques. Ses cheveux châtain clair retenus en catogan, Dominique ne lâchait rien à ses biceps qui hurlaient de tension. En les posant à terre près des tréteaux, elle n'eut qu'un commentaire : « J'espère qu'ils seront plus légers en partant. »

Aucun commentaire:

Oui, ce journal électronique recèle de textes qui sont malgré tout ma propriété. Si vous souhaitez en utiliser un, contactez-moi grâce à l'adresse suivante : sacred.fire.blogspot@gmail.com
Merci !
Yohann ©®™☺☼♥♫≈(2003-2009)