Il vient de quitter son groupe qui s'était réuni dans le restaurant universitaire, après la pré-rentrée. L'arrêt de bus n'est pas très éloigné de l'université. La ligne 1, reconnaissable car affichant un logo blanc d'un handicapé en fauteuil roulant sur fond bleu (« Ça claque ! »), le dépose rue du Parc, le nœud des lignes en plein centre-ville de Quimper. Il roule jusque la place Saint-Corentin dominée par la cathédrale éponyme, puis remonte la rue Élie Fréron où se situe sa librairie favorite, « Les Divins Mots », qu'il rallie malgré la difficulté d'accès (la rue est en pente et les trottoirs sont pavés). Il bavarde avec le libraire, un homme affable et foncièrement gentil, commande une anthologie des lais, achète Alcools d'Apollinaire et Chimères de Nerval. Il remercie en s'en allant, redescend jusque la Place au Beurre et rejoint la rue Kéréon. Heureusement nous sommes jeudi et il n'y a pas marché boulevard du Moulin au Duc ; il traverse le rond-point suivant qui joint différentes rues dont celle du Cosquer qu'il emprunte, traverse le pont Edmond Rostand, longe le Steir (il évite le sentier les jours de pluie), rejoint sa rue de Stéphane Mallarmé et sa maison, la numéro vingt-sept.
Sa mère n'est pas encore rentrée du travail, apparemment. Il se rappelle soudain qu'elle est d'astreinte cette nuit. Elle travaille en tant qu'adjointe administrative au sein d'une mairie de la banlieue nord quimpéroise. Une note attend Morgan. Il y a des pâtes à la carbonara dans le frigo qu'elle a préparées.
Il s'empare de ses béquilles, se dirige vers sa chambre. Il a rapporté de chez ses grands-parents une partie des œuvres complètes de Victor Hugo et il en épluche les index lorsqu'il lâche une exclamation de contentement. Il va étudier Hernani cette année en littérature comparée, et le hasard fait bien les choses.
Morgan réchauffe son dîner au micro-ondes, dîne, s'offre une poire en dessert, tout en regardant deux épisodes des Griffin sur son ordinateur. Il adore le personnage de Joe Swanson, l'homme au fauteuil roulant qui est en plus policier, les blagues et les situations qui s'y rapportent le font vraiment rigoler. Il jette un œil sur sa boîte aux lettres électronique, parcourt le site du Monde, se branle sur un film pornographique selon toute apparence d'Europe de l'Est, fait sa toilette du soir, se saisit du volume contenant Hernani, se couche, écrit sur son journal une bonne heure, lit jusqu'à sentir ses yeux devenir pesants, éteint la lumière, s'endort.
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