Son pas claque sur le bitume du trottoir. Il lui faut parfois regarder à terre, histoire d'éviter de mettre ses talons dans de la...
Un rictus de dégoût déforme la bouche de la bourgeoise.
Sa montre scintille lorsqu'elle jette un coup d'œil à l'heure, ses jambes tricotent plus vite que le fait l'aiguille des secondes.
Ce qu'il faut faire pour contenter un mari amateur d'art, c'est invraisemblable : du lèche-vitrine rue de Rivoli. Marie-Monique sera présente en soutien ; tu parles d'une consolation.
La bourgeoise s'engage passerelle des Arts. Les bancs publics sont pris d'assaut par des hordes d'inconnus. Derrière ses lunettes à verre fumé, elle inspecte ici et là, sans se départir de sa cadence : des touristes japonais la reluquent de leur air indéchiffrable, des personnes quelconques aux allures bigarrées la croisent, plus loin un vendeur à la sauvette que la bourgeoise entreprend d'esquiver...
Elle manque se retrouver par terre au moment où son talon droit craque mais cramponne la rambarde. Un pigeon s'envole, effrayé de cette brusque irruption.
« Vous allez bien, Madame ? » interroge quelqu'un. C'est un jeune garçon assis sur un banc, entourant son amie de ses bras. Elle fait un signe affirmatif de la tête, bien que sa cheville lui fasse souffrir le martyre.
Reprenant son souffle, partagée entre les pointes de douleur et la pensée d'avoir frôlé une humiliation aux yeux de tous, elle lorgne le jeune couple retourné à ses affaires. L'entreprise de se bécoter semble obscène, cependant qu'une rage impuissante monte en elle, humidifiant sa vision.
La bourgeoise bat rapidement des paupières, attrape son téléphone dernier cri, contacte Marie-Monique, explique, somme :
« Dépêche-toi ! »
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