mercredi 31 août 2005

Troisième partie : vendredi, jour du concert

L’attente se termine bientôt. Ce soir, je verrais U2.
C’est tellement inimaginable. Je ne ferme les yeux que par intermittence pendant la nuit. Je me réveille à 6h30 avec un creux dans le ventre. J’ai beau tenter de me rendormir, des flashs de concert live vu en vidéo (grâce au DVD offert par Matt) défilent dans ma tête.
A 8 heures je n’en peux plus, je sors du tepee pour prendre une douche. Le vide est difficile à obtenir sous le jet d’eau, et une fois éteint, l’émotion m’assaille à nouveau. De retour au camp Apache, Matt s’est levé. Je ne grignote que quelques morceaux, j’ai l’estomac en veille.
Nous devions rendre une dernière visite aux A., ceux-ci s’en allant ce matin. J’eus la surprise de savoir qu’ils viendraient en Bretagne à la Toussaint, et qu’ils nous feraient l’honneur d’une visite… Pour la première fois de ma vie, je regrettais d’avoir donné mon numéro de portable. Ils ne sont pas méchants, juste inexistant.
On décide de s’arrêter au Leader Price pour prendre quelques victuailles, surtout à la demande de ce gouffre insatiable qu’est Matt. On redescend de la Grande Corniche, et ce n’est qu’arrivés en bas au feu tricolore qu’on se rend compte que l’on n’a pas emprunté notre trajet habituel, que l’on a manqué une route à gauche plus haut. Matt me demande ce qu’on fait… J’évite difficilement d’exploser et lui dit un peu sèchement que je n’en sais rien. Fallait bien qu’une c*uille pareille arrive maintenant, bord** de mer** !!
Après de multiples dérivations en ville (il voulait absolument de ses gâteaux !…), on tombe sur un Carrefour. Matt me délègue le rôle de coursier pendant qu’il gare la voiture. Un brin énervé (NB : je tempère mes humeurs. Là, il va sans dire que j’étais furieux !), je galère pour trouver l’entrée puis le magasin. Une fois à l’intérieur, lui aussi en travaux (des travaux en plein été…), je suis obligé de demander à une employée où se situe l’eau : complètement au fond, dissimulée derrière les travaux…
Une fois à la caisse, un anglais met cinq minutes à comprendre que le fer à repasser qu’il vient de prendre n’est pas vendable puisqu’il s’agissait du modèle exposé sur l’étalage… La vieille devant moi dépose 20 articles (j’ai compté) alors que c’est une caisse pour 10 articles maximum. Je m’apprête à lui écraser la gueule contre le tapis roulant quand Matthieu m’appelle pour savoir où j’en suis…
Je sors les bras chargés, Matt est là avec la voiture. On se met en route. Je suis obligé de montrer le chemin à Matt effectué en repérage hier matin, quand même, parce qu’il l’a oublié. A croire qu’il ne se rappelle que de l’autoroute ! Un ralentissement sur la quatre-voies nous fait craindre le pire, mais c’est une fausse alerte. On arrive peu avant 11 heures au premier parking. L’ouverture officielle est programmée à 14 heures, on nous laisse pourtant entrer ! Une vingtaine de voitures y est déjà garée.
Matt traîne un peu en route (envie pressante), je lui dis que je ne l’attends pas. Je marche seul jusque la devanture bombée du Palais Nikaïa. Après interrogation de Matt, l’entrée pour la pelouse se fait derrière. On s’y rend, et là on contemple la foule. A 11h30, le parterre devant les portails est bondé de monde. L’attente commence.
On a changé de place entre-temps, on s’est posté près de l’entrée des véhicules. Les mecs de la sécurité sont excédés par le nombre de personnes qui veulent passer les barrières de sécurité. Visiblement, ils n’avaient pas prévu autant de monde devant les grilles (ils s’attendaient à quoi avec 53.000 personnes !?).
Vers 13h30, un mouvement de foules nous permet de nous rapprocher considérablement des grilles. A partir de là, on se fera régulièrement arroser par les pompiers. En effet, j’ai oublié de mentionner la terrible chaleur qui nous écrase. Le soleil tape fort, et il le fera jusqu’à ce qu’il s’en aille loin à l’Ouest.
Soudain, on entend les répétitions de certains membres du groupe. D’abord la batterie, puis je reconnais la basse de With or Without You. Je n’en crois pas mes oreilles. C’est là que je commence à réaliser ce à quoi je vais assister. La guitare sonne tout à coup, on reconnaît New Year’s Day, I Still Haven’t Found What I’m Looking For, Elevation, City of Blinding Lights, une nouvelle fois With or Without You… On est soudain interrompu par une douche froide de pompiers décidés à casser ma rêverie. Je fais attention aux billets dans ma poche.
La douche terminée, d’autres riffs s’élèvent. Certains sont applaudis, en particulier quand au même instant que la foule je reconnais Where The Streets Have No Name. Ça me semblait tellement surréaliste. Une deuxième répé de City of… est particulièrement longue. Je chante doucement, en chœur avec une partie (principalement des filles) de la foule. L’émotion est palpable.
Quelques douches plus tard (ça commençait à m’agacer sérieusement d’être trempé en continu, et je n’étais pas le seul), des bruits de barrières que l’on déplace réveillent la foule. Puis la grille la plus à droite s’ouvre, les gens s’engouffrent en s’entassant comme des cinglés. Puis la seconde grille s’ouvre un moment après. Apparemment ils n’avaient qu’une seule clé pour la demi-douzaine de grilles… Paye ton organisation. On attend que la nôtre s’ouvre et c’est la bousculade avec un grand B. Je file son ticket à Matt avant de le perdre de vue, je m’empare du mien qu’un bénévole (dépassé par l’affluence) en détache le coupon. Un mec de la sécurité regarde deux-trois secondes dans mon sac, je lui affirme qu’il n’y a que de la flotte. Il me laisse passer. « Ah ! Et sinon j’ai deux grenades à plâtre dans les poches latérales ! » J’aurais pu faire entrer n’importe quoi.
Au loin des gens courent comme des dératés ; je les imite, sachant que je suis dans les premiers. Je dépasse du monde comme du monde me dépasse. C’est le cas de Matthieu, qui était derrière moi dans la queue, qui, reconnaissant mon bob noir, carbure pour revenir à ma hauteur (pas difficile avec ses enjambées de vingt mètres ;-) ) puis il passe devant moi. On entre sur le terrain, on se rue vers la scène (à ce moment je n’y crois pas) pour accrocher une place toute proche. Je m’arrête tout près de la branche scénique de droite (tous les abords sont pris), quand Matt m’interpelle : « Hé, Yo !! On peut aller à l’intérieur !! Entre les deux !! » Je vérifie et je le suis à toute vitesse, et on se place entre ! Je n’en revenais pas ! Aux Zétazunis, je me souviens qu’il était question d’un tirage au sort pour désigner les petites centaines de veinards à venir dans la petite enceinte, et nous deux y sommes presque comme des opportunistes !
Pour une attente aussi éprouvante, ce fut un moindre mal.
Mais nous nous étions postés vers 16 heures (une demi-heure avant l’horaire prévue d’ouverture)… Le concert ne commençait qu’à 19 heures. J’entrais alors dans une sorte de léthargie, évitant du mieux possible d’aggraver les coups de soleil (Matt confirmait que ma truffe se changeait en nez de clown), m’asseyant à terre en plaçant mon sac lourdement chargé pour me protéger la nuque et le dos, changeant de temps à autre la position des jambes pour réguler la pression sanguine, fixant le parterre ou le string de ma voisine assise devant moi (même ça ne m’a pas fait émerger !). Le soleil m’a torturé comme jamais je n’avais eu à le subir.
Une quarantaine de minutes avant le début, je me réveillais, me levais (le dos passablement meurtri), constatais que Matt s’était une deuxième fois absenté pour un besoin naturel depuis que l’on s’était positionné (je lui prendrais un pot de chambre pour ses 21 ans), et faisais un sort aux Petit Ecolier, qui, avouons-le, avaient davantage morflé du soleil que votre narrateur. Je prenais le temps de regarder la large et profonde scène, prolongée par ces deux espèces d’antennes, aux couleurs rouge et noir du dernier album. Comme je pus le noter plus tard, les trois groupes qui allaient se succéder avaient déjà installé la totalité de leurs instruments.
Suivant tout ça, 19h00 arriva, et The Zutons ne tardèrent pas à apparaître.
Un groupe de cinq personnes : un chanteur-guitariste, un second guitariste, un bassiste, un batteur et… une charmante saxophoniste qui me rappela Jennifer Aniston en brune et une opulence pulmonaire amoindrie. C’est de loin la personne qui attira le plus de suffrages et d’attention et lors d’une pause où celle-ci demanda « Ça va Nice ? », un énergumène éructa un « T’es bonne ! » causant une jubilation à tendance masculine. En général les chansons interprétées me furent sympathiques, un peu bœuf parfois (à mettre en cause la basse trop prononcée). Le chanteur admettra même n’avoir jamais joué devant autant de monde (dit-il en anglais).
Vers 19h45, The Zutons quittèrent la sène. Apparurent les démonteurs, se faisant applaudir d’une partie du public (qu’ils saluèrent en retour).
Moins d’une demi-heure plus tard, le groupe Keane fit son apparition, sous de forts applaudissements. Trois hommes : un chanteur, un pianiste et un batteur. Deux-trois chansons me parlèrent, le reste, j’imagine qu’il valait mieux se procurer l’album pour les connaître. Néanmoins ce fut plaisant à écouter. A un certain moment le chanteur demanda (en anglais) qu’est-ce qu’on ferait comme bruit si U2 était sur scène maintenant : un bon gros vacarme s’éleva, mais comme je l’entendis près de moi : « Je crois qu’il devrait écouter quand U2 rentrera vraiment sur scène, là il comprendra… ». Je ne pus réprimer un sourire car c’est également ce que je pensais.
Vers 21h00, Keane sortit sous des applaudissements bien nourris. A cet instant je fermais les yeux car un frisson me parcourait des pieds à la tête. Désormais, il n’y avait plus d’obstacles entre moi et ce que j’attendais depuis si longtemps. Les démonteurs revinrent, firent leur travail. Des bonhommes réglèrent les guitares, la batterie et les micros, pour la dernière fois. Les minutes se transformaient en années. Pour me distraire, je sautai pour évaluer le peuple derrière moi, et me rendais compte de ma chance d’être aussi proche de la scène, une situation tout à fait inespérée. Une chanson du dernier album de The Cure fit réagir le public. Quelques années plus tard, résonna une autre musique qui provoqua une réaction incroyable chez le public. Je ne le sus que quelques jours après, mais il s’agissait de la musique qui annonçait l’approche imminente… La nuit était tombée, remarquai-je vers 21h45.

C’est alors que quatre personnes apparurent sur scène, et que ma journée (sinon plus) bascula.

« Ils sont humains ! » fut ma première pensée. A une vingtaine de mètres face à moi se tenaient Bono, The Edge, Adam Clayton et Larry Mullen Jr. Un formidable cri de joie remonta de mon ventre, tout comme des dizaines de milliers de personnes, et je ne pouvais détacher mes yeux des quatre individus. Je laissai éclater mes émotions retenues depuis un certain temps, m’abandonnant quelques instants à moi-même, oubliant le reste. La clameur était phénoménale. Bono articula quelque chose tandis que The Edge et Adam empoignaient une guitare et Larry se posait devant sa batterie. Puis les résonances familières de Vertigo retentirent puissamment des dizaines de baffles. J’allais ENFIN (le mot est faible) être confronté à une performance Live de U2.
« Unos, dos, tres, qatorce !!! »
Vertigo était une folie à elle toute seule. Tout ce que je voyais autour de moi n’était que bras, têtes en l’air, flashs de lumière. Bono chantait, et je chantais. Ce bonhomme est un comédien dans l’âme. La façon dont il haranguait les foules à chanter avec lui est incroyable. J’oubliais ce que j’avais vécu auparavant, je me plongeais entièrement dans la musique. Lors du solo de The Edge (que je voyais tout sourire), tout le monde sautait. « Your love is teaching me… » Quel pied !!
« Yeah Yeah Yeah Yeah !!…»
A la fin de celle-ci, Bono regardait la foule avec un rictus provocateur aux lèvres… Il était si loin et si proche !… Le seul que j’avais du mal à voir Larry, le batteur, caché derrière son attirail musical.
Pas de pause, on enchaîne avec I Will Follow. Les lumières explosent, mes oreilles savourent, je saute partout, ivre de bonheur. C’est réellement à partir de la seconde chanson que j’ai été submergé par le plaisir, ce qui n’allait pas s’arrêter de sitôt. J’étais sur un nuage…
« Your eyes… »
Enorme ovation. Bono s’arrêtait un instant pour dire : « Nice… des gens sexy ! » Je riais et applaudissais de tout cœur. Des notes peu connues résonnèrent, puis The Electric Co. débuta, une des plus anciennes chansons du groupe.
Vint ensuite Elevation, où je bougeais et chantais en même temps (ce que j’ai fait pendant presque tout le concert, sauf sur celles qui en s’y prêtaient pas). A chacune de ces chansons une émotion particulière.
« E-LE-VA-TION !!! Ouuuhou !! Ouuuhouhouuuu !!! » Les cris continuèrent un bon moment encore.
New Year’s Day suivit, de nouveau une chanson légendaire du groupe. Elle aussi chantée à pleins poumons. Une que j’aurai pu chanter jusqu’au bout de la nuit.
La suivante fut tout autant magistrale : Beautiful Day, et j’eus une pensée pour Kardu, Richard et Kévin, car à la fin de celle-ci The Edge et Bono chantèrent Sergent Pepper Lonely Heart’s Club Band des Beatles. « It was twenty years ago today… » Je ne m’attendais pas à l’avoir, parce qu’elle n’était plus sur la liste depuis juillet et le Stade de France ! Trop courte, malheureusement. Bono parla des attentats de Londres et d’autres catastrophes, et fut largement applaudi.
The Edge continua les hostilités sur une bonne voie lorsque les premières notes de I Still Haven’t Found What I’m Looking For résonnèrent. Voilà une que j’attendais vraiment, et je ne fus pas déçu, loin de là… Une des trois premières de The Joshua Tree. Les « But I still haven’t found… what I’m looking for… » se répétèrent longtemps, même après que The Edge s’arrêta de jouer. Bono se tenait au bout d’un des deux prolongements scéniques et regardait le monde autour de lui en souriant et chantant. Il revint sur la scène.
Et les notes de City of Blinding Lights furent lâchées. Les étranges panneaux lumineux commencèrent progressivement à se colorer de rouge, alors que Bono levait les bras au ciel et que tout le monde l’imitait. C’est bizarre à dire, mais je considère cette chanson comme la « petite sœur » de Where The Streets… Ce qui veut dire que la grande sœur, waouh !! ;o) Sérieusement, encore un bon morceau de zik.
Et c’était loin d’être fini.
The Edge lançait les quatre notes de Miracle Drug en solo, tandis que Bono nous parlait des miracles de la médecine. A ce moment, The Edge fait une fausse note, et Bono, en souriant, rattrape le coup en disant (en anglais) : « Vous savez, The Edge vient du futur, il vient du futur pour être avec nous… », rapport aux futures avancées de la science. Et la chanson de commencer.
La suivante est la première séquence émotion de la soirée : Bono se lance sur Sometimes You Can’t Make It On Your Own, celle-là même qu’il écrivit et interpréta à la mort de son père. Les panneaux géants se divisent en deux parties : d’un côté Bono est filmé, de l’autre une animation simpliste d’un homme marchant tranquillement. Le chanteur y met du sien, regarde avec une émotion visible dans les yeux (impressionnant) l’animation. La chanson s’arrête alors que l’homme disparaît à gauche de l’écran, en continuant à marcher, et laissant seul son fils.
Bono revient sur le devant de la scène, et je reconnais la chanson suivante, dont je gueule le titre : Love and Peace or Else. Deux personnes se retournent et me regardent comme un allumé : ça y est, on n’a plus le droit d’exprimer sa joie. Ça m’a beaucoup énervé sur le coup, et je ne tarde pas à m’écarter de ces frustrés.
« Lay down… Lay down… »
C’est parti pour la séquence dénonciatrice de la guerre, terriblement puissante et entraînante, puisque suit Sunday Bloody Sunday, accueilli avec une grande ferveur. Je dois dire que ma voix commençait à dérailler tellement je chantais le plus fort que je pouvais… Une de celles que j’ai le plus apprécié (en retirant le discours sur les trois religions en plein milieu).
Je ne sais plus quand il s’est déplacé jusque la mini-cible de droite, mais Adam est venu, je l’ai vu à moins de trois mètres de moi (il n’y a que The Edge que je n’ai pas vu de près). Je n’en croyais pas mes yeux. Il était tout sourire, prenait la pose pour les photos, s’amusait, se penchait vers le public en jouant de sa basse, en riant. Moi qui l’imaginait peu « communicatif », j’ai été littéralement bluffé.
Les deux suivantes, Bullet The Blue Sky et Miss Sarajevo, me sont connues, mais la seconde comporte une partie chantée en italien, une langue qui m’écorche la langue bien malgré moi. Bon, je les ai quand même bien égratignées au passage… :o) Pendant ce temps, Bono sur Bullet… marche les yeux bandés sur la scène. Juste avant que The Edge n’entame Miss Sarajevo au piano, la chanson est dédiée aux Londoniens victimes des attentats.
Celle qui suit est énorme : Pride (In The Name of Love). Que du bonheur.
« Ho-ho-ho hooo… Ho-ho-ho hooo… »
Il est temps de sortir les ballons offerts avant le début du concert, car quelques articles de la Déclaration des Droits de l’Homme défilent sur le panneau géant. Le seul reproche du concert : la Déclaration est écrite en anglais. Franchement pour rallier le plus de monde à leur combat, ils auraient mieux fait de la retranscrire dans chaque langue du pays traversé… Petit bémol.
Ceci est vite oublié, car, dans le même temps que défilent des drapeaux de tous pays (surtout africains) sur les panneaux…
Ce fut ma chanson. Celle que j’attendais entre toutes. Celle qui me fait toujours autant vibrer, des centaines d’écoutes plus tard. Je n’existais plus pour rien, sauf pour Where The Streets Have No Name… J’ignore encore pourquoi j’adule celle-ci spécifiquement. Elle a quelque chose qui me fait avancer.
Les larmes me montèrent aux yeux alors que l’introduction montait en puissance… C’est la seule fois du concert où mes mirettes s’embrumèrent. De vraies larmes. L’attente est finie.
« I want to run… »
Quelque part en moi je touche au bonheur d’exister. C’est pour être transpercé par des instants uniques dans ce genre-là que la vie vaut la peine d’être vécu. Dingue d’en arriver là. Dingue comme une musique peut balayer vos pensées. A savourer chaud comme un plat de lasagnes. Je… Je suis complètement démuni face à ça… Cela me dépasse. On est ailleurs. On est absent. On a envie d’aimer tout le monde. On se retrouve seul avec soi-même, et on s’observe dans le miroir. C’est une explosion des sens. Rien ne peut vous arrêter. Vas-y ! Défonce ta guitare ! Elle vaut la peine ! Chante à ton maximum ! Hurle ta soif de vivre, viens avec nous ! Allez ! Il n’est pas question de peur ici ! Elance-toi ! Pas de limites ! Non, aucune limite !
Je caresse ce que je suis. J’enveloppe ce que je suis. Il ne peut y avoir d’accoutumance à ce que je viens de vivre. Impossible.
Il n’y a pas non plus d’atterrissage. C’est ce que l’on appelle « monter une marche ». Il n’y a pas forcément de changement visible. Je sais que je ne revivrais plus cette expérience par l’intermédiaire de cette chanson. Elle n’était qu’un tremplin. Le monde est un peu plus clair. Quelque chose s’est opérée en moi. J’ignore ce que c’est. Encore une fois je l’ignore. On peut comparer mon ressentiment à un rétablissement spirituel, un nettoyage de printemps à l’échelle individuel.
Une éternité plus tard, suit One qui me semble bien fade en comparaison. Bono nous demande de prendre nos portables pour « éradiquer la pauvrette »… Il est bien connu que j’ai rarement du crédit, mais de toute façon les portables ne passaient pas, du moins devant la scène. Etrange. C’est alors que Bono s’empare d’une gratte, et que je voie les trois autres se marrer, même Larry ! Lui que l’on dit neutre en concert, juste bon à taper sur sa grosse caisse… J’étais sidéré, les quatre en train de rire sur scène…
Première pause. En fait Bono nous dit au revoir, c’est une feinte heureusement. Je sais qu’il y a deux rappels pendant le concert, mais je crie quand même le retour de U2 sur scène.
Les écrans se rallument, et jouent à la roulette de casino avec les têtes de Chirac, Bush, Berlusconi et Blair (ou Schroeder ?). Bono, qui a changé de vêtements, et les autres reviennent sur scène. Bono commence à chanter Zoo Station, une de mes préférées de Achtung Baby. La suivante est du même album, The Fly, et Bono se place à droite de la scène et la chante devant une mini-caméra… Sa face apparaît en déformé sur l’écran géant, et il n’arrête pas de faire des clins d’œil !… J’ai bien ri (et chanté bien sûr).
Ah !… Celle que je craignais ne pas entendre car elle ne faisait pas partie de la set-list au début de la tournée, soudain commence : With or Without You. J’ai un peu de mal à trouver les paroles car j’ai la gorge nouée. Néanmoins je sais que c’est bientôt la fin du concert, et je profite un max. Comme d’habitude, Bono prend une fille dans le public pour danser un instant avec elle.
Seconde pause, ou plutôt rappel. All Because of You démarre, une du dernier album assez énergique. Suit Yahweh, une des déceptions du concert. J’espérais ne pas l’entendre… Raté. Le mot « Coexist » apparaît sur l’écran, le C pour le Croissant de Lune représentant l’Islam, la croix de David remplace le X pour le Judaïsme, et le T changé en croix de l’Eglise chrétienne. J’avais oublié qu’il était possible de voir le pire même dans le meilleur.
« Un, deux, trois, Louis Quatorze !!! »
Tout le monde est surpris par le redémarrage (à la française !) de Vertigo. La boucle est bouclée, je saute dans tous les sens une dernière fois.
THE END
Apparaît sur l’écran. Cette fois c’est vraiment la fin du concert.

Je suis triste et heureux. Epuisé aussi.
Je serais allé voir U2 au moins une fois. Et quelle première !… Je n’aurais jamais imaginé être aussi proche de la scène. C’était fantastique.
Quelques bémols tout de même : pas de photos, la Déclaration en anglais, Yahweh. Mais bon, faut parfois savoir faire avec. Je ne vais pas cracher dans la soupe, comme on dit ! Le reste surpasse largement ces petits désagréments.
Matt et moi partons rapidement. Nous passons au-dessus des gradins. Je reste quelques minutes à regarder l’énorme fosse éclairée, et avec regrets je descends de l’autre côté.
Je décide de m’arrêter prendre quelques goodies pour souvenir. Le mec au guichet fait semblant un temps de ne pas me voir, draguant au passage une jolie cliente blonde, sa collègue de boulot, discute avec un Anglophone… Puis avec un visage fermé, finit par me demander ce que je veux acheter. « Un poster et un badge, siouplé. » Il me donne un sac, met le tout dedans et empoche ses 10€. Sympa l’accueil.
Nous retournons à la voiture, en échangeant quelques appréciations. Il y a énormément de monde et de voitures, et de flics. Nous reprenons l’autoroute, revenons au camping. Quelques voitures et personnes sont sur le parking du camping, je me doute d’où ils peuvent revenir à une heure aussi tardive. Je m’écroule sur le matelas, en n’oubliant pas d’étaler de la Biafine sur le nez et une partie du visage…
Je mets une heure pour m’endormir, les oreilles bourdonnantes et des images fortes dans la tête.

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