Deuxième partie
Lundi, j'entrais donc en fonction à Monique Ranou ; mes horaires : 15h à 23h. Faire les saucisses apéritifs. C'est la fête ! Au début, ça me répugnait de toucher ces matières, mais à la fin de la journée, je n’y faisais plus attention. Le plus difficile était de placer les barres en hauteur, ça demandait un travail conséquent des épaules et des bras. Lundi et mardi s'écoulèrent tranquillement. L’autre intérimaire qui bossait avec moi s’appelait Fabien, très sympathique, à l'instar de mon supérieur, Jean-Philippe, alias Jean-Phi. Lui s'était fait à son travail (physiquement, j'entends), enchaînait d'une pièce à l'autre automatiquement, il y avait de quoi être abasourdi par sa volonté, et il avait même le temps d'en placer une bien bonne ! Il arrivait à rendre le travail un peu moins pénible, et pour cela je le remercie. Tout le contraire de l’autre ouvrier sur la chaîne voisine qui éructait sans cesse sur un troisième intérimaire. Jean-Phi était ferme, mais compréhensif et tolérant quant à nos capacités, pas comme l’autre. Il ne m'est pas tombé dessus quand j’ai renversé deux fois un bac qui contenait la pâte à saucisse, il s'est tout de suite inquiété pour mes pieds. Les bacs pesaient 55 kilos vides, et 120 pleins, de quoi transformer mes petons en chair à saucisse...
Mardi, peu avant d’aller travailler, j’ai été convié par Jonathan à un feu de camp le soir même, avant que Benoît ne s'expatrie à la Réunion. J’ai reçu aussi un appel sur mon portable de Benoît qui gueulait : « Yohaaaaaaaaaaann, tu doooooooooors Yohann ???? » avec sa voix particulière quand il monte dans les aigus !! Je finissais plus tôt, et j’arrivais au terrain de P’ti Fred, où campait Jonathan. Après des retrouvailles chaleureuses avec ce gaillard, je me dirigeais vers le feu de camp, où peu de temps après, tout le monde se rassemblait. On s'est alors goinfré de saucisses et d'autres viandes, fait les débiles (une vieille habitude), parler de tout et n’importe quoi… Quand émergea l’idée d’aller à la plage pour un bain de minuit. Moi je devais partir pour rendre la voiture à mes parents le matin, et finalement le monde restant, c’est-à-dire 8 personnes dans ma pitite 205… Certains avaient peur de rencontrer les flics, mais il n’y a eu aucun problème. Comme l’on descendait vers la Roche Percée, nous passâmes devant la résidence d'une famille de professeurs bien connue de nous, et nous ne pûmes nous contenir davantage : la compagnie hurla une insulte sur tous les tons imaginables, pendant que je klaxonnai et beuglai aussi !!! Ahurissant !! Arrivé à destination, je débarquai la troupe, et Benoît m'offrit un au revoir affectif (bien que légèrement éméché le bonhomme, mais tellement singulier !) et des autres. De là, je prenais le chemin du retour, vers chez moi, en direction de mon bon vieux lit, même si je n'avais alors qu'une envie : accompagner cette bande de lascars pour me rendre complice des joies et des conneries qu'ils s'apprêtaient à commettre... Snif ! C’était ça ou gagner ta croûte !! [Pour ce que ça m'a rapporté... Qui sait ce que ce vagabondage bon enfant m'aurait offert...]
Mercredi, au boulot, il me fallut batailler contre la fatigue. Je renversais de nouveau un bac, et je n'avais pas d'excuse vraiment valable. J’expliquai à Jean-Phi la situation de la nuit dernière, et il me charria les deux jours suivants avec des remarques du genre : « Eh Yo ! T’endors pas !! » Cela me parut étrangement familier… :-)
Jeudi soir, le boulot de la semaine enfin terminé, je me ruai sur le téléphone pour joindre John et savoir où il était. Ce brave garçon se trouvait dans la maison secondaire de Caro, à Beg-Meil. Je décidai d’y aller, en m'étant assuré que je n'allais déranger personne, et une fois sur place, ses parents me « forcèrent » à rester manger avec eux… Ce fut d'une chaude convivialité ; Paul me faisait toujours autant rire… J’avais la désagréable impression de m’être incrusté, et je le leur confessais en plus, mais de nouveau, ils ne voulurent rien savoir, surtout la mère (Tu pourras encore une fois les remercier de ma part, Caro !). Ils me donnèrent des haricots à équeuter, et à table, chez moi, ils furent un régale pour les palais de ma famille.
Vendredi, nous avions d'un commun accord décidé de partir en randonnée canoë kayak sur l’Odet ; dans le même temps Jonathan accepta mon hébergement pour les deux derniers jours de son séjour à Quimper. Ce vendredi donc, nous nous rendîmes en début d’après midi à côté de l’église de Locmaria pour l'embarquement.
Dans le canoë trois places se plaçèrent dans l'ordre : Sylvain à l’avant, P’ti Fred au milieu et John à l’arrière. Dans le kayak, moi à l’avant et Frédo derrière. A 14h30, nous commencions la traversée ! C'est parti ! Déjà, méga top ambiance super géniale, on chantait, on déconnait sur tout ce qu’on voyait, on a vraiment déliré comme des petits fous ! Rapidement, une rivalité amicale s’installa : les batailles d’eau ne tardèrent pas, et nos projectiles se changèrent ensuite en algue ! Peu après la première accalmie, Sylvain s'étala à l’avant du canoë pour paresser, fallait s’y attendre… Au milieu de la baie de Kerogan, on s’arrêta sur une épave en bois échouée, endroit auquel il y avait matière à déconnade ! A l'entrée de la baie, il y avait une plage assez vaseuse où l’on a fait une première pause. De là, on changeait de partenaire jusqu’à la fin du trajet. Je me suis retrouvé à la place centrale du canoë avec Sylvain derrière et Frédo à l’avant, tandis que John se trouvait à l’avant du kayak avec P’ti Fred à l’arrière. A partir de là, le paysage changea radicalement, on se serait cru au Canada. Au bout d’autres batailles de flotte où personne ne sortit indemne, Sylvain nous fit part d'un plan : nous devions nous approcher du kayak sans attirer l'attention, pour qu'il puisse sauter dessus afin de le renverser. Quelques coups de pagaie plus loin pour dépasser le kayak, Sylvain se leva et d’un bond impressionnant, s’aplatit en plein ! Les deux autres partirent à l’eau, tandis que Frédo et moi crevions de rire. Tant bien que mal, ils remontèrent dans le kayak, mais leur réaction ne se fit pas attendre : John agrippa le canoë et le renversa à son tour. On partit à l’eau ; Frédo criait : « Mes godasses, mes godasses !! », car le canoë se renversait encore une fois. Celui-ci n’avait pas de système d’évacuation d’eau, et de ce fait, nous pataugions dans la flotte. La ligne de flottaison était allègrement franchie, je peux vous l'affirmer… On s’arrêta à la cale suivante, on écopa l’eau en trop (les manœuvres se firent plus aisément !), on en profita pour prendre quelques photos, et l'aventure pouvait continuer. L’arrêt suivant nous sembla fort attrayant : le Rocher de la Pucelle... Je n'ose pas exposer la première idée qui vous passa à l'esprit au moment où vous comprîtes la signification du nom du lieu... Je crois qu'il était question du suicide d'une vierge (éplorée ?) en faisant le grand saut. En pratique, il s'agit d'un rocher duquel on peut sauter dans le fleuve. Le premier étage s’élevait entre 3 et 4 mètres, le deuxième était à 11 mètres à peu près… Il n’y a eu qu’un homme, que dis-je, un fou, pour s'élancer de là-haut deux fois, dont un saut exprès devant une vedette de l’Odet qui passait au large ; le commentaire du plongeon nous parvint grâce aux hauts-parleurs. Mais qui cela pouvait-il bien être ?... Nous autres sautâmes du premier étage, et c’était déjà assez impressionnant ! Il y avait du courant en bas, et un moment, j’avais beau faire de la brasse le plus vite que je pouvais, je restais sur place ! C'est vraiment une sensation bizarre ; je luttais réellement contre courants et marées. Après cette pause, la dernière, parce que la traversée compte 18 kilomètres de distance et qu'on en était qu’à la moitié à ce moment-là, on accéléra la cadence jusque la fin, on zigzagua entre les bateaux du port de Bénodet, de belles coques de noix, jusqu’au point d’arrivée.
Au final, on a mis 3h30 pour effectuer le parcours, et la fin fut éprouvante, nous ramions vraiment. Un car nous attendait pour nous ramener sur Quimper. Le chauffeur était un danger public ; je crois que je n'ai jamais eu aussi peur d'être monté dans un autobus que lors de ce trajet.
Suite et fin demain, normalement !
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