mercredi 31 mai 2006

_L’été approche. Paradoxalement un froid m’envahit insidieusement depuis quelques semaines. Les premiers symptômes apparurent pendant les vacances de février. Je n’ai tout d’abord pas prêté une oreille attentive à l’évolution de ce poison glacial qui s’infiltrait dans toutes les strates de ma psyché.
_Ce fut une douce déflagration. Tout et son contraire, Rien, se sont invités en moi. Une formidable curie a lieu en ce moment même, et il ne se passe pas une journée sans que je me demande si je ne suis pas en train de perdre la raison. Oh, petit à petit. On peut saisir l’image de la goutte du robinet mal fermé tambourinant l’inox de l’évier à intervalles réguliers. Une torture à la limite du supportable (utilisé par les nazis pendant la Guerre, me semble-t-il). J’éprouve également un début de doute quant à mon français employé dans cet article. J’écris, et les mots bourdonnent sur ma feuille. C’est assez terrifiant.
_La réalité qui m’entoure commence à s’estomper, lentement, mais assez pour que je m’en rende compte. Cette atténuation me délivre probablement un message, que je puis traduire ainsi : « On ne peut rester indéfiniment sur les mêmes bases ». Jamais cela ne s'était transmis de façon aussi nette.
_La déliquescence en cours, si désagréable soit-elle, n’est qu’une déstructuration de ma cohésion ancienne (en passe d’être révolue, donc), afin de me réajuster dans un nouvel ensemble. Bon ou mauvais, il n’y a que l’expérience qui me délivrera la réponse, s’il doit, aussi, y en avoir une. Au moins ai-je appris ceci au fil des années : on change, certes, mais jamais dans la direction que l’on souhaite. Ce serait trop beau. Et la notion positive ou négative que l’on dégage de cette transformation (parler d’une métamorphose serait trop fort, à mon avis on parle d’une métamorphose lorsque cela s’applique sur un bouleversement corporel et psychique, telle la puberté) se jauge dans le regard d’autrui. Des Autres. Cela relève d’une frustration inouïe, et soulève deux questions fondamentales :
_1) Sommes-nous dépendants les uns des autres ?
_2) Peut-on se construire de soi-même ?
_Je ne rejetterai pas ce qui m’a été offert par le passé. Peut-être en ferais-je un usage différent. Selon ce qu'il en sera décidé.

_J’ai fait un rêve hier matin : je regardais mes mains le plus calmement du monde, et doucement, de petites pellicules de peau se détachaient. Le phénomène était semblable à une guérison de l’épiderme suite à un coup de soleil, mis à part que la couleur était semblable à celle que j’ai au sortir de l’hiver. Tandis que je déplaçai mon regard sur mes mains (en particulier la gauche), elles pelaient davantage mais sans que je puisse le voir. Je faisais l’aller-retour entre mes doigts et ma paume, et entre-temps la surface nouvelle s’agrandissait. Je me suis réveillé avant d’en voir la fin.
_Je suis resté songeur un long moment, les yeux mi-clos, les mains coincées entre ma tête et l’oreiller. Que j’eusse vu mon plafond recouvert de pétales de roses rouge ne m’aurait pas fait sortir de ma torpeur.

_Comme on dit, toutes les heures sont douloureuses, il n’y a que la dernière qui est fatale.

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