mercredi 9 septembre 2009

L'avis bordelais

Le bruit s'est tout de suite imposé à mes oreilles, donc à moi. Le bruit m'a tellement assailli, cette déferlante de sons m'a si subitement enveloppé que conjuguée à la température locale, j'ai difficilement trouvé le sommeil, lors des premiers jours. De ma semi-campagne quimpéroise où la seule source de vacarme suffisamment puissant pour traverser le récent double vitrage des fenêtres était l'épanchement primitif de gamins dévergondés, je me vois soudain projeté au cœur d'une des grandes villes françaises, qui bouillonne d'une vie toute mécanisée ainsi que de fêtards lourdement éméchés. Ce constat me fut jeté en pleins conduits auditifs alors que j'écoutais distraitement le jeu d'un guitariste qui braillait du créole, sur la place pavée au pied de mon immeuble.

Notez que je bénéficie d'une acoustique remarquable : la Garonne sur laquelle rebondissent allègrement les ondes sonores ; les constructions alignées en arc, offrant les mêmes capacités qu'un amphithéâtre.

Le hameau bordelais est agréable, les façades sont néanmoins noires. On se demande par quel miracle on l'a inscrite au patrimoine de l'UNESCO. Certes, la promenade sur les quais et dans le centre-ville sont à faire, mais l'habitant n'éprouve qu'un faible respect pour ses congénères. Je ne me plains pas : d'une part le loyer est peu élevé, d'autre part j'apprécie chaque jour davantage cette ville, malgré le fait que certaines gens ne peuvent se retenir d'uriner sur les murs, délivrant une forte odeur acide ; que les innombrables crottes de chiens mousseuses/coriaces jonchent/incrustent les pavés, ce qui induit un manque d'éducation de leurs maîtres et leur irresponsabilité ; que les mendiants ne savent distinguer les BB (Bourgeoises Bordelaises, monnaie courante) des EPF (Étudiants Peu Friqués, monnaie courante), notamment sur la piégeuse rue Sainte-Catherine (tout un programme). Pour ces derniers, je suis désolé de leur situation, mais je n'y peux vraiment pas grand-chose.

Je suis heureux de ce que j'étudie aujourd'hui, le déplacement vaut le détour. Je me sens redevenir moi-même quand je suis animé de cette manière, c'est-à-dire stimulé intellectuellement. Je reprends le rythme, après deux années d'arrêt, travailler autant est une bénédiction car mes idées s'éclaircissent, mais dans le même temps une malédiction car j'ai toujours autant de mal à m'organiser. Je me soigne.

Une autre chose que m'a judicieusement soufflé une collègue de classe, que je pense pouvoir qualifier d'amie, c'est la pollution qui charge l'air. Il n'y a pas ce salvateur vent d'ouest pour chasser sur l'Île-de-France les miasmes catalytiques du pays Glazik, c'est pourquoi les vêtements se retrouvent vite enduits d'une sorte de poussière sournoise qui s'enracine dans les fibres et qui émet, si l'on ne s'y prend pas assez rapidement, une flagrance métallique fort déplaisante. Là non plus, je n'y peux pas grand-chose, c'est le lot des villes d'importance.
Les surprises, bonnes et mauvaises, se dénichent à chaque changement de rue. J'ai situé un local qui dispose de quantité de plateaux d'échec prêts à être utilisés, et la tentation d'y entrer s'intensifie à chacun de mes passages devant.

Cependant, il se trouve pire que la chaleur, pire que le bruit pour anéantir mes nuits, et pourtant ces deux nuisances sont plus ou moins liées avec celle que je vais vous présenter : le moustique. J'en ai parlé dans un billet qui date, pourtant douloureusement d'actualité. Je les maudis. Je suis sur place depuis le 11 août dernier, je n'ai comptabilisé que quatre plages de sommeil ininterrompues par ces bâtards d'enculés. Ma grossièreté inhabituelle est à la hauteur de l'extraordinaire capacité d'emmerdement qui est la leur. Montaigne disait qu'il aimait que son serviteur le réveille la nuit pour qu'il puisse apprécier les heures qu'il lui restait à dormir ; un moustique ne sert à rien, il hante. Elle hante serait plus proche de la vérité, d'ailleurs.

Amusant le fait que mes prédécesseurs dans ma chambre eurent eux aussi le même combat impitoyable à mener. Çà et là je repère quelques traces sanglantes sur les murs et le plafond.
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Yohann ©®™☺☼♥♫≈(2003-2009)